L'hybridation est un phénomène bien connu pouvant être naturel ou provoqué par l'Homme. Contrairement aux Phalaenopsis, pour lesquels on retrouve majoritairement des hybrides à la vente, les Tillandsia hybrides sont relativement peu vendus (même si cela est en train de changer). On retrouve cependant plusieurs formes, variétés et cultivars en vente. Mais quelle est la différence ? Comment se crée un hybride chez ces plantes ? Peut-on créer des hybrides chez soi et si oui, comment ? Voilà les réponses que vous trouverez en parcourant cette page.
Qu'est ce qu'un hybride ?
Un hybride est le résultat d'un croisement entre plusieurs (2 ou plus) espèces différentes. On peut aussi obtenir un hybride en croisant une espèce avec un hybride, ou même 2 hybrides entre eux. On obtient un hybride en fécondant une fleur avec le pollen provenant d'une autre espèce. L'hybride possédera donc un mélange des caractères des 2 parents. Par exemple si on hybride une plante à fleurs blanches avec une plante à fleurs rouges, les descendants pourront être rouges, blancs, roses, tachés de rouge ou de blanc… Bien évidemment les autres caractères pourront être transmis (ou "mélangés"). Ainsi si un des parents possèdent des feuilles nombreuses et petites et que l'autre possède des feuilles plus grandes, les hybrides obtenus pourront avoir des feuilles de tailles intermédiaires (ou pas), et de nombres variables. Tous les hybrides ne sont pas forcément viables, mais les Tillandsia (et les Broméliacées en général) ont une barrière à l'hybridation faible, c'est-à-dire qu'il est facile d'obtenir des hybrides vigoureux qui peuvent bien se reproduire par voie végétative ou sexuée.
D'un point de vue nomenclatural, un hybride peut avoir son propre nom botanique (écrit en italique, c'est généralement le cas pour les hybrides apparaissant naturellement, comme Tillandsia x rectifolia) ou alors un nom d'hybride (écrit avec une majuscule, c'est généralement le cas en horticulture, par exemple Tillandsia 'Victoria'). Souvent, les cultivars sont créés à partir d'hybrides, c'est pour cela que des guillemets simples peuvent parfois apparaître dans le nom d'hybride. Un hybride portera toujours dans son nom complet un x qui symbolise le croisement (même si bien souvent, ce x n'est pas indiqué, en horticulture et à la vente notamment). Celui-ci peut être placé :
- Avant le nom de genre (dans le cas d'hybrides entre plantes de genres différents = hybrides intergénériques).
- Avant le nom botanique ou le nom d'hybride (dans le cas d'hybrides entre plantes appartenant au même genre = hybrides interspécifiques).
- Entre le nom des 2 parents, lorsque l'identité des parents est précisée. On sépare alors par un x le nom de la plante qui a donné l'ovule (qui contient le gamète femelle) et celui de la plante qui a donné le pollen (qui contient le gamète mâle), et dans cet ordre. Ex : Tillandsia albertiana x edithae signifie que l'hybride portant ce nom est issu du croisement entre les ovules de T. albertiana et le pollen de T. edithae. Voici l'explication en image :
Nous l'avons vu, la barrière d'hybridation est faible chez les Broméliacées. Il est ainsi possible d'hybrider facilement des plantes appartenant à des genres différents (mais toujours à la même famille). Ainsi, les Vrielandsia sont des hybrides entre les genres Vriesea et Tillandsia. Sachez également qu'il y a des limites imposées par la nature, certains genres, trop éloignés, ne peuvent pas s'hybrider entre eux, ou alors donnent des individus dégénérés.
Qu'est ce qu'une variété ?
Une variété quant à elle, n'est pas un hybride, mais seulement une petite variation de forme ou de couleur d'une plante au sein d'une population dans la nature. Cette variation, issue d'une mutation génétique, doit être stable et se perpétuer dans la population. Le nom de la plante sera donc formé du nom latin habituel suivi de la mention var. (pour variété) et du nom de la variété. Par exemple l'ancien Tillandsia tricolor var. melanocrater (aujourd'hui une espèce à part entière : T. melanocrater) était une ancienne variété de Tillandsia tricolor qui s'en distinguait par une répartition altitudinale différente, une coloration noirâtre des gaines et des feuilles plus "piquantes".
Qu'est ce qu'un cultivar ?
En horticulture, les termes variété et cultivar (synonyme de variété horticole) sont souvent confondus, ce qui n'aide pas à la compréhension de ces notions. Botaniquement parlant, la notion de cultivar sous-entend une intervention de l'homme (cultivar signifie 'cultivated variety' en d'autres termes 'variété cultivée'). L'homme a dans ce cas sélectionné des plantes pour leurs caractères intéressants et les a multipliées, souvent par voie végétative (ex : séparation de rejets, greffage, marcottage, bouturage, in vitro…), car ces caractères intéressants sont rarement transmissibles par voie sexuée (en fécondant des fleurs pour obtenir des graines). Les cultivars n'existent donc pas dans la nature.
Ils peuvent aussi être créés à partir d'hybrides (c'est d'ailleurs souvent le cas). Dans ce cas et après hybridation, les plantes hybrides retenues (pour leurs caractères intéressants) sont multipliées par voie végétative afin de transmettre ces caractères à toute la descendance.
Les noms de cultivars se notent entre guillemets simples (et parfois précédés de cv.). Par exemple Tillandsia ionantha 'Rubra' est un cultivar de Tillandsia ionantha :
Note : nous l'avons vu, on peut obtenir un cultivar à partir d’une plante déjà hybridée (c'est d'ailleurs souvent comme cela qu'ils sont créés). Dans ce cas, le nom de cultivar (entre guillemets simples) est précisé après le nom d'hybride ou alors des guillemets simples sont rajoutés au nom de l'hybride. C'est le cas par exemple de Tillandsia 'Victoria' qui a été créé à partir d'une hybridation entre les espèces T. ionantha (qui a donné l'ovule) et T. brachycaulos (qui a donné le pollen).
Qu'est ce qu'une forme ?
Dans la nature, il arrive qu'une plante présente par rapport à un type (une espèce, une variété…), quelques variations mineures qui ne justifient pas la création d'une nouvelle espèce, sous-espèce, variété… Dans ce cas, on subdivise le type en formes. La forme est la plus petite subdivision possible (même s'il arrive parfois que l'on parle de sous-forme). Elle désigne donc un taxon de rang inférieur à l'espèce et la variété. Chez les Tillandsia, cela concerne souvent la morphologie des feuilles ou la couleur des fleurs.
Note : d'une manière plus générale, j'ai l'impression que le mot forme est employé (peut-être un peu abusivement) par les collectionneurs pour désigner toutes variations d'une espèce, sous-espèce, variété, cultivar ou même hybride. En gros ce terme désigne de plus en plus des plantes "inclassables", le temps que le taxon considéré soit étudié et correctement nommé.
Les noms de forme se notent en italique, précédés de la mention "forma" (parfois abrégé f.), après avoir énoncé l'espèce et les éventuelles variété, sous-espèce… Par exemple :
- il existait une forme à feuilles très fines de T. fuchsii var. fuchsii : T. fuchsii var. fuchsii f. gracilis (maintenant, elle se nomme T. fuchsii f. gracilis)
- de même, il existe une forme de T. aeranthos qui présente des fleurs blanches (au lieu de violettes) : T. aeranthos f. alba.
Comment sont créés les hybrides ? Peut-on créer des hybrides chez soi ?
Nous l'avons vu juste au-dessus, créer un hybride n'est pas si difficile. Les insectes eux-mêmes hybrident quelquefois des plantes sans le savoir ! Il suffit de féconder une fleur avec le pollen d'une autre fleur appartenant à une espèce différente. Pour se faire, il faut déposer le pollen de l'espèce A sur le stigmate d'une fleur de l'espèce B. Dans ce cas, il faudra surveiller l'apparition du fruit et des graines sur le pied B (car ce sont les ovules de l'espèce B qui ont été fécondés et donc les "graines hybrides" apparaitront sur le pied B : l'ovaire évolue en fruit et les ovules qu'il contient évoluent en graines après fécondation). Voici un petit rappel de la page de description botanique des Tillandsia qui pourrait vous aider (pour plus de détail sur la fleur de Tillandsia, suivez ce lien) :
Note : Pour éviter tout risque d'autopollinisation de l'espèce B, il est préférable de retirer dès que possible les étamines de la fleur de l'espèce B utilisée. Vous pouvez bien sûr retirer pétales/sépales pour faciliter cette tâche, il ne faut juste pas toucher aux organes sexuels femelles de la fleur B (ovaire, style et stigmate).
Vous l'avez compris, il faut donc avoir 2 espèces en fleur simultanément dans votre collection. Pour les personnes qui ont, comme moi, énormément d'espèces différentes, le problème est tout autre. En effet il ne faut pas que votre fleur soit fécondée par une autre fleur que celle que vous avez choisie (la fleur B doit être fécondée par une fleur de l'espèce A, pas par une fleur des espèces C ou D…). Pour éviter cela vous pouvez, après avoir fécondé la fleur B, l'enfermer dans un petit sac, jusqu'à ce que le fruit commence à se développer. Vous pouvez aussi tout simplement isoler la plante du reste de votre collection.
Voilà pour la partie technique mais le plus délicat si l'on veut avoir un bel hybride est de bien le créer, c'est-à-dire de choisir les bons parents, pour obtenir un hybride intéressant. Les caractères dont il faut tenir compte sont nombreux : couleur/taille des fleurs, couleur/taille des bractées, taille/vigueur de la plante, couleur de l'épiderme (et donc densité du trichome)… Cela peut prendre des années. En effet on ne peut observer le résultat de l'hybridation que lorsque les hybrides se développent et fleurissent, soit quelques années après avoir croisé les parents ! Généralement, l'hybride est une sorte de mélange des 2 parents.
Par exemple, dans le cas de Tillandsia edithae x albertiana, l'hybridation a eu lieu entre 2 espèces à fleurs très rouges :
- L'une ayant une grande tige, beaucoup d'écailles (épiderme blanc) et une inflorescence globuleuse portant parfois plus de 10 fleurs (T. edithae).
- L'autre ayant une tige plus courte, moins d'écailles (épiderme plus vert) et une inflorescence terminale simple ne portant qu'une seule fleur (T. albertiana).
L'hybride résultant de ce croisement possède un mélange des caractères des 2 parents :
- Fleurs rouges (caractère commun aux 2 parents et que l'on retrouve donc inchangé chez l'hybride).
- Epiderme plus blanc que chez T. albertiana, mais moins blanc que chez T. edithae.
- Nombre de fleurs par inflorescence supérieur à ce que l'on retrouve chez T. albertiana mais moindre que ce que l'on retrouve chez T. edithae. En effet, l'hybride en compte entre 3 et 5 par inflorescence alors qu'il n'y en a qu'une chez T. albertiana et parfois plus de 10 chez T. edithae.
- Etc …
Les différents types d'hybrides
Bien que le principe de base soit toujours le même, on peut distinguer 3 sortes d'hybrides en fonction des plantes croisées :
- Les hybrides primaires : ce sont des hybrides issus du croisement de plusieurs Tillandsia botaniques, c'est-à-dire d'espèces telles qu'on les retrouve dans la nature. Voici quelques exemples (il en existe des dizaines déjà répertoriés) : T. 'Victoria' (T. ionantha x T. brachycaulos), T. x rectifolia (T. ionantha x T. schiedeana) ou encore T. x hubertiana (T. fasciculata x T. caput-medusae). Dans le premier exemple, l'hybride primaire 'Victoria' est issu du croisement des espèces T. ionantha (qui a donné l'ovule) et T. brachycaulos (qui a donné le pollen).
- Les hybrides naturels : ce sont des hybrides primaires qui se créent naturellement. Mais alors pourquoi les hybrides primaires ne sont pas tous des hybrides naturels ? Parce que les aires de répartition des différentes espèces ne se recoupent pas forcément. Autrement dit, il n'existe aucun endroit dans la nature où l'on peut retrouver toutes les espèces existantes du genre Tillandsia. Par exemple, l'hybride T. x rectifolia est un hybride naturel (et primaire) entre les espèces T. ionantha et T. schiedeana. Ces 2 espèces ont des aires de répartition qui se recoupent, notamment au Mexique. Elles peuvent donc s'hybrider naturellement.
- Les autres hybrides : ceux créés par l'homme à partir de plusieurs Tillandsia différents, botaniques, cultivars ou hybrides. On parle parfois d'hybrides horticoles (T. 'Victoria' par exemple).
Quelques variétés, hybrides et cultivars connus
Comme précisé plus haut, il existe des centaines d'hybrides, de variétés et de cultivars. En voici quelques-uns que j'ai déjà cultivés et dont j'ai créé la fiche botanique :
- Tillandsia aeranthos x stricta
- Tillandsia albertiana x edithae
- Tillandsia bulbosa x streptophylla (T. 'Showtime')
- Tillandsia fuchsii f. gracilis
- Tillandsia fuchsii var. fuchsii
- Tillandsia ionantha 'Druid'
- Tillandsia ionantha 'Fuego'
- Tillandsia ionantha 'Mexico'
- Tillandsia ionantha 'Rubra'
- Tillandsia ionantha 'Silver'
- Tillandsia ionantha var. ionantha
- Tillandsia ionantha var. maxima
- Tillandsia ionantha var. stricta f. fastigiata
- Tillandsia ionantha var. vanhyningii
- Tillandsia ionantha x brachycaulos (T. 'Victoria')
- Tillandsia mooreana x kalmbacheri (T. 'Samantha')
- Tillandsia schiedeana x baileyi (T. 'Sesca' ?)
- Tillandsia schiedeana x ionantha (T. x rectifolia)
- Tillandsia stricta 'Black'
- Tillandsia stricta x recurvifolia (T. 'Cotton Candy' et T. 'Houston')
Déposer le pollen sur le stigmate de l’autre fleur ne prend que quelques secondes, ça vaut le coup de tenter. Au pire la plupart des Tillandsia s’autofécondent donc même sans rien faire tu peux te retrouver avec profusion de fruits et de graines 😉
Merci de ta réponse, Julien. J'avoue être tentée par l'expérience, mais bon, encore faut-il que la fécondation ait eu lieu ….
Bonjour Lucie,
Tu sais si la fécondation a bien eu lieu lorsque l’ovaire gonfle et se transforme en fruit (quelques semaines tout au plus). Pour la hampe c’est simple, tu la coupes si tu ne vois pas d’intérêts à la garder car cela va « fatiguer » inutilement la plante. Evidemment tu gardes la hampe si tu désires obtenir des graines (dans le cas de la création d’un hybride par exemple), si tu as envie de voir le fruit et les graines se développer (c’est joli et intéressant) ou simplement pour le côté naturel ou esthétique (certaines capsules sont impressionnantes, surtout lorsqu’elles « explosent » pour libérer les graines).
A bientôt 😉
Oups, je n'avais pas vu qu'il y avait une suite à ton article, et j'ai la réponse à mes deux dernières questions. Par contre, je n'ai pas trouvé la réponse à ma première question, donc si tu peux m'éclairer…
Merci Julien !
Lucie
Bonjour Julien,
Comme d'habitude, cet article est super intéressant !! Merci à toi de partager avec nous ton savoir !
J'ai une petite question (encore une…) qui n'a peut-être pas sa place ici : au bout de combien de temps sait-on que la fécondation a bien eu lieu ? Y a-t-il un signe, dans un sens ou dans un autre, qui peut nous faire savoir s'il faut couper la hampe ? D'ailleurs, est-ce comme chez les phalaenopsis : a-t-on intérêt à laisser la hampe lorsque les fleurs ont fané, au cas où ?
(ça fait 3 questions, finalement …………… lol)
Merci d'avance et bonne journée.
Lucie
Après avoir déposé le pollen de l’espèce 1 sur le stigmate d’une fleur de l’espèce 2, l’ovaire de la fleur 2 va se transformer en fruit et les ovules contenus dans cet ovaire en graines. Ces graines contenues dans la fleur de l’espèce 2 seront des hybrides (puisque issues d’une fécondation croisée entre les espèces 1 et 2). Les autres fleurs de l’espèce 2, qui n’ont pas été en contact avec le pollen de l’espèce 1, produiront des graines « normales » (ou pas de graines si elles n’ont pas été fécondées). La réponse à ta question est donc oui.
A bientôt 🙂
Merci beaucoup!
Et j'ai une autre question, si je pollinise une fleur avec du pollen d'une fleur d'une autre espèce, seules les graines de la capsule issue de cette fleur seront hybrides?
Je te souhaite encore une fois une bonne chance à toi et tes plantes ^^
Bonjour Loulou !
Merci pour tes encouragements. Concernant les hybrides de Tillandsia, il suffit de déposer le pollen d’une espèce sur le stigmate d’une autre espèce en fleur pour faire une pollinisation croisée (voici le lien vers la description botaniques des fleurs de Tillandsia ou cette photo pour t’aider à t’y retrouver). La seule difficulté est d’avoir 2 espèces en fleur en même temps, mais tu peux conserver ton pollen au réfrigérateur pour prolonger son potentiel de quelques jours. Il est aussi conseillé de couper les étamines de la fleur sur laquelle tu déposes le pollen, afin d’éviter tout risque d’autopollinisation. N’oublie pas également de noter les espèces que tu as croisé, afin de savoir quel hybride tu as fait.
Voilà pour les grandes lignes, si tu as d’autres questions n’hésite pas à me contacter 🙂
Merci de ta visite, à bientôt !
Bonjour! Ca fait un moment que je visite ton site, et je voudrais te féliciter, il est très bien fait!
J'ai acheté il y a peu de temps quelques tillandsia (ionantha, velutina, oaxacana, cyanea et juncea), et j'ai une question: Peut-on hybrider des tillandsia et comment y procéder? ça doit être interressant =)
Bon courage pour gérer ton site ^^